Trois raisons pour lesquelles je ne suis pas convaincu par Macron
Bien sûr, Emmanuel Macron et son gouvernement ont pris des mesures positives. Mais leur ligne directrice est celle d’un État omnipotent, le problème majeur de la France.
Dans les dîners en ville, on me regarde avec stupéfaction quand je déclare ne pas être macroniste. En général, on comprend par là que je suis dubitatif face aux réformes en cours.
1. La réforme ne va pas au fond des choses
Mes interlocuteurs tentent alors de me convaincre avec des arguments qui ne sont pas tous à rejeter. Le principal est que le pays est désormais dirigé par une véritable équipe réformatrice. L’agenda du Conseil des ministres et du Parlement le prouve : les projets de loi sont nombreux et sont en train de transformer la France en profondeur. Le Président de la République et le gouvernement font ce que personne n’avait osé faire avant eux, y compris à droite.
Je réponds qu’il est vrai que la volonté réformatrice est bien affichée. Mais n’y a-t-il pas beaucoup de poudre aux yeux ? Car, quand on y regarde d’un peu plus près, on se rend compte qu’aucune réforme ne va véritablement au fond des choses. On avance par petits pas plutôt que de tenter une transformation en profondeur. Toutes les lois votées sont de cet acabit. Ce qui signifie qu’il faudra sans cesse revenir sur tous les sujets pour avancer. Il n’y aura donc jamais de répit dans la transformation, et les Français vont forcément se lasser.
2. Macron ne s’attaque pas au déficit public
Enfin, j’estime que le pouvoir ne s’est pas encore attaqué aux plus importants problèmes français : les déficits publics, la dette et la pression fiscale. Sur ces trois points, il n’y a pas le début d’un commencement d’actions.
On me rétorque alors que le Président de la République et les ministres ne peuvent pas tout faire à la fois, et qu’il faut être patient. Mes interlocuteurs embrayent ensuite sur leur deuxième argument : Macron sait y faire. Certes, la rue bronche un peu. Mais l’opposition des syndicats n’a pas empêché l’adoption des ordonnances. Et il est peu probable que la CGT réussisse à faire capoter la réforme de la SNCF. Bref, le Président est en train de réussir et les Français approuvent massivement son action.
Je reconnais que la « méthode » Macron semble être efficace. Il faut reconnaître que les ordonnances réformant le Code du travail, par exemple, ont été adoptées sans véritable opposition. De même, j’aurais préféré que l’ISF soit supprimé plutôt que d’être transformé en IFI, mais si c’est une étape avant la suppression complète de l’impôt sur la fortune, pourquoi pas ? Ce serait même très malin.
Mais est-ce dans l’intention du Président de la République ? Veut-il vraiment aller plus loin ? La « méthode » Macron n’est-elle pas avant tout de la communication ? Il annonce de grandes réformes, qui s’avèrent ne pas être si « révolutionnaires » que cela. On en revient au premier point.
3. Macron n’est pas libéral mais étatiste
Mes interlocuteurs me trouvent à ce moment là de très mauvaise foi. En effet, on ne peut, selon eux, reprocher à Macron de ne pas faire ce qu’il n’a pas promis. Car – c’est le dernier argument, et non le moindre – le Président de la République est en train de tenir les promesses du candidat Macron. C’est d’ailleurs par là qu’il rénove de fond en comble la politique française. Il prend l’exact contrepied de ses prédécesseurs qui n’ont été que de reculades en renoncements.
Cette fois, je suis entièrement d’accord avec mes contradicteurs. Ils ont raison : Macron essaie – je dis bien « essaie » car il n’y réussit pas toujours – de tenir ses promesses. D’ailleurs, j’étais persuadé de cela dès le début de la campagne électorale de 2017. Et c’est pour cette seule raison que je n’ai pas voté pour lui, ni au premier tour, ni au second tour. Même si je précise que je n’ai pas non plus donné mon vote à Marine Le Pen, mes interlocuteurs ont un mouvement de recul. Non seulement je deviens l’incarnation du diable, mais, en plus, je tiens des propos incohérents.
Leur capacité d’écoute est désormais très amoindrie, mais je tente tout de même de développer mon argumentation. Je leur explique que, contrairement à la plupart d’entre eux, j’ai lu les programmes et les écrits de tous les candidats à l’élection présidentielle, que j’ai écouté leurs discours et leurs interviews. Et s’agissant d’Emmanuel Macron, qu’ai-je découvert ? Qu’il était un étatiste pur jus, c’est-à-dire, en gros, un social-démocrate, et sûrement pas un libéral.
Qu’a-t-il dit ou écrit pendant la campagne électorale ? Que l’État, en France, a toujours « vocation à jouer un rôle central. Ce rôle devra même être renforcé car dans de nombreux domaines, il faut plus d’État ». Et davantage d’État pour quoi faire ? Pour protéger les Français. En clair, le programme est donc de renforcer l’État-providence.
Le candidat Macron faisait fi des corps intermédiaires et de la société civile, de la déconcentration et de la décentralisation. Le pouvoir – son pouvoir, forcément éclairé – ne peut être que jacobin pour ne pas dire « énarchique ».
Et les promesses électorales que le Président de la République tente de tenir le démontrent tous les jours :
le plan d’investissement étatique de 57 milliards d’euros ;
la suppression du RSI pour le fondre dans la Sécurité sociale qui est, comme chacun le sait, un modèle de gestion transparente et efficace ;
la suppression des organismes collecteurs de la formation (OPCA) et leur remplacement par l’Urssaf, un « machin » qui ne cause aucun tracas aux entreprises ;
la nationalisation de l’assurance-chômage ;
la construction de logements, forcément publics puisque, par ailleurs, on taxe à tout-va les propriétaires immobiliers ;
la suppression de 80 % de la taxe d’habitation qui va rendre les collectivités locales encore plus dépendantes du budget de l’État, etc.
Même l’interdiction des téléphones portables à l’école est une mesure imposée par le Président et le ministre de l’Éducation, et non pas décidée par les chefs d’établissements dont, par ailleurs, on prétend renforcer l’autonomie.
Bien sûr, Emmanuel Macron et son gouvernement ont pris des mesures positives, et nous espérons qu’ils pourront en faire adopter d’autres. Mais leur ligne directrice est celle d’un État omnipotent et omniscient dirigé par une classe de « sachants ». Et c’est précisément LE problème français depuis bien trop longtemps.