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Se déconnecter ? Oui, mais de quoi ?

Le droit à la déconnexion est une disposition de la loi El Khomri. Des députés ont déposé un amendement permettant à un salarié de ne plus répondre au téléphone en voiture même si c’est son employeur qui appelle. N’est-on pas en train de confondre déconnecter et déconner ?

Ne pas se déconnecter de la réalité

La loi travail actuellement en discussion à l’Assemblée nationale instaure un droit à la déconnexion pour les salariés. Ils pourront ainsi ne plus consulter leur smartphone professionnel chez eux, et laisser leur ordinateur portable au bureau.

Une disposition qui fait consensus et qui vise à « assurer le respect des temps de repos et de congés » et un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée.

Karine Berger, député socialiste, et plusieurs de ses collègues, ont déposé un amendement visant à instituer le droit à débrancher son portable pendant un trajet professionnel et à ne pas répondre à ses collègues, supérieurs hiérarchique ou clients.

Et pourquoi pas un droit à se déconnecter pendant que l’on est aux toilettes, ou un droit à ne pas décrocher le téléphone fixe alors que l’on est déjà en communication sur son mobile ?

Madame Berger, déconnecter n’est pas un synonyme de déconner !

Qui va nier que trop de personnes sont imprudentes en téléphonant au volant ? Personne. Mais ceux qui répondent aux appels professionnels, répondent aussi probablement aux appels privés.

Je n’ai jamais décroché mon téléphone alors que je conduisais. Les portables ont tous une messagerie, fort utile pour ne manquer aucun appel. De même qu’après une certaine heure, je ne consulte plus mon IPhone, les messages et les coups de fil attendront le lendemain pour être traités.

C’est une question de volonté. Il n’y pas besoin de nouvelles dispositions législatives pour cela. Les salariés, les représentants du personnel et les employeurs peuvent tout à fait s’entendre sur le sujet pour poser certaines limites, sans que le législateur intervienne.

Des limites qui, de toute façon, ne seront pas respectées. Pourquoi ? Parce que les premiers à ne pas vouloir se déconnecter sont les salariés eux-mêmes.

Avez-vous déjà été absent du bureau une journée entière sans pouvoir consulter vos emails ? Dans quel état retrouvez-vous votre boîte de réception après une semaine de vacances « déconnectée » ? Combien d’heures vous faut-il pour rattraper ce retard de courriels ?

Il n’est donc pas étonnant que beaucoup consultent leur messagerie en vacances. C’est le seul moyen de ne pas s’écrouler sous l’avalanche d’emails.

Laurence Borde et Éric Villemin, dans Les Échos du 15 avril 2016, citent une étude selon laquelle un manager lambda passerait « 28 % de son temps à écluser sa messagerie, soit environ treize heures par semaine ».

On le pressent, la vraie solution consiste plutôt à réduire les emails. Comme l’expliquent les deux consultants certaines entreprises ont entamé des démarches comme les journées sans courriel, les « formations techniques à la rédaction des messages », les méthodes pour réapprendre à effectuer des tâches sans interruption, etc. Et puis, en instaurant des outils collaboratifs « qui permettent un partage en temps réel de l'information, limitent l'intrusion et ordonnent les conversations ».

La balle est donc dans le camp des entreprises, des managers et de chacun des collaborateurs, qui ont à faire évoluer leur pratique et leurs comportements.

Guillaume Poitrinal, chef d’entreprise, et ancien président du Conseil de la simplification pour les entreprises, s’alarmait il y a quelques jours dans Les Échos du fait que « l'effroyable machine à produire du texte et des autorités a continué de tourner à plein régime ».

Dans son article, il dénonce « cette inflation de textes, déconnectés du terrain, torturés par des amendements hirsutes, établis sur la base d'études d'impact indigentes et de concertations frelatées, exprimés dans une langue incompréhensible » qui est devenue « une caractéristique du pays ».

Il ajoute : « La simplification a réussi dans de nombreux pays d'Europe. Il ne tient qu'à la volonté du prochain président qu'elle devienne le moteur de notre redressement ».

Commençons donc par simplifier la loi El Khomri et par jeter à la poubelle l’amendement de Karine Berger.

Se déconnecter ? Oui, mais pas de la réalité.

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