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Polémique sur la réalité du télétravail

Le rapport Mettling annonçait près de 17 % de télétravailleurs. Un taux que conteste Yves Lasfargue dans sa dernière étude. Pour lui, la proportion serait plus proche de 2 %. Et si cela tenait au fait que la définition du télétravail n’est pas la même pour l’un et l’autre ? D’où l’importance, toujours, de préciser de quoi l’on parle.

Quelle est l'ampleur du télétravail ?

Le rapport Mettling, intitulé « Transformation numérique et vie au travail », remis à la ministre du travail en septembre 2015, abordait notamment le sujet du télétravail. Il estimait que 16,7 % des salariés étaient concernés par le télétravail en 2012, contre 8 % en 2006. Il est probable que la proportion ait encore augmentée depuis lors. Si elle a suivi la même courbe, le taux donc devrait être de plus de 20 % en 2016.

Il faut dire que la formule offre de nombreux avantages – pour le salarié comme pour l’employeur – et qu’elle est associée à l’amélioration de la qualité de vie au travail. Il n’est donc pas étonnant qu’elle séduise de plus en plus.

Mais voilà que l’Obergo (Observatoire du télétravail, des conditions de travail et de l’ergostressie) d’Yves Lasfargue, expert reconnu du sujet et ancien secrétaire national des cadres CFDT, vient contester ces chiffres.

Dans son enquête 2015-2016, publiée le 4 février 2016, il reconnaît que, dans le secteur des Tic, le taux de télétravailleurs peut être très élevé. Quelques exemples : 12 % chez Bouygues Télécom, 10 % à Accenture, 8 % à Sage, 7 % à Cap Gemini ou Orange. Certaines entreprises déclarent 47 % comme Equant, filiale d’Orange ; d’autres, restées anonymes, vont jusqu’à 77 %.

Mais ce secteur des Tic est l’arbre qui cache la forêt. Dans les secteurs de l’économie « traditionnelle », les taux sont nettement moins élevés : 8 % à la Caisse des Dépôts, 6 % à la Région Aquitaine ou chez Renault, 5 % à la Société Générale, 2 % à TF1, à l’Urssaf de Paris ou au Crédit Agricole. Il faut dire que beaucoup de salariés, dans ces entreprises, ne sont pas éligibles au télétravail car ils sont ouvriers ou personnels de service et de vente dont la présence physique est requise. Cela dit, on trouve dans l’échantillon des TPE avec des taux de télétravailleurs importants, dont l’une qui déclare que ses 3 salariés sont en télétravail (100 %).

Tout cela amène Yves Lasfargue à conclure que le taux de télétravailleurs est plus proche des 2 % aujourd’hui en France que des 17 % annoncés par le rapport Mettling, qui reprenait ceux de LBMG, dans son rapport sur le télétravail en France.

Mais n’y a-t-il pas, derrière la polémique sur les chiffres, une question de définition. L’article L.1222-9 du code du travail, créé par la loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, définit le télétravail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci ».

Une définition, certes précise, mais aussi très large. Dans son rapport, Bruno Mettling liste les différentes modalités de télétravail : télétravail à domicile ; en « télé-local, c’est-à-dire dans un centre proche de son domicile et partagé avec d’autres travailleurs, pouvant parfois relever d’employeurs différents » ; télétravail en bureau satellite ou télécentre interne ; en télécentre péri-urbain multi-entreprises ; sur un site de coworking ; « travail nomade ou mobile, pour certains métiers prévoyant de nombreux déplacements (commerciaux en visite chez des clients, etc.) » ; « télémanagement, par lequel des salariés travaillent sur un site de l’entreprise, sans présence physique permanente d’un manager sur le site. Le télémanager doit alors gérer à distance une équipe localisée sur des sites différents ».

On le voit, Bruno Mettling étend la notion de télétravail. De plus, certaines modalités, comme le coworking sont surtout pratiquées aujourd’hui par des travailleurs indépendants. Le chiffre de 16,7 % de télétravailleurs dépasserait alors le cadre du salariat, et concernerait l’ensemble des personnes exerçant une activité professionnelle, quel que soit son statut. Ce pourrait être là un début d’explication sur la différence entre les chiffres du rapport Mettling et ceux de l’Obergo.

Mais interrogez votre entourage et vous verrez que, en général, télétravail veut dire travail à domicile. Éventuellement, le travail dans des locaux de son entreprise proches de son domicile. S’il s’agit de travailler dans des espaces partagés avec d’autres entreprises, on parlera plus volontiers de coworking. Quand à ceux qui sont en déplacement professionnel et travaillent pendant le temps de transport, dans le train ou l’avion, il est peu probable qu’ils s’estiment en télétravail. De même que les commerciaux en visite chez des clients. A ce compte là, les consultants des entreprises se services du numérique (ESN) en mission de longue durée chez des clients sont aussi en télétravail. Et les intérimaires qui ne travaillent jamais dans les locaux de l’entreprise de travail temporaire (ETT), pourtant leur employeur.

Bref, il serait pertinent de préciser quelle définition du télétravail on adopte avant de réaliser des rapports, enquêtes et sondages et de publier des chiffres. Car il est probable que chacune des personnes interrogées ait sa propre définition. Ce qui ne facilite pas le dialogue et la commune compréhension du sujet.

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