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Onomastique et plaques de cuivre

La composition du gouvernement Valls a fait couler beaucoup d’encre pour, reconnaissons-le, pas grand-chose de neuf. Parmi les « mesurettes » les plus commentées figure la réorganisation de Bercy. Réorganisation qui a consisté à réduire le nombre de ministres et à modifier le nom des ministères.

L'intitulé des ministères : une spécialité à part entière

Voilà l’occasion de nous arrêter quelques instants sur les différentes appellations de ce ministère à travers les années. Nous limiterons notre étude à la Vème République.

Au commencement donc, nous avons un ministre des Finances et des Affaires économiques, le dernier en date, de 1962 à 1966, étant Valéry Giscard d’Estaing. Puis vinrent, pour une longue période, de 1966 à 1986, de Michel Debré à Pierre Bérégovoy, des ministres de l’Économie et des Finances.

À partir de 1986 commence la valse des étiquettes :

  • 1986-1988 : ministre de l’Économie, des Finances et de la Privatisation,

  • 1988-1993 : ministre de l’Économie et des Finances,

  • 1993-1995 : ministre de l’Économie,

  • 1995-1995 : ministre de l’Économie, des Finances et du Plan,

  • 1995-1997 : ministre de l’Économie et des Finances,

  • 1997-2007 : ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,

  • 2007-2008 : ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi,

  • 2008-2010 : ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi,

  • 2010-2012 : ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,

  • 2012-2014 : ministre de l’Économie et des Finances,

  • 2014 - ? : ministre des Finances et des Comptes publics (Sapin) + ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique Montebourg).

Je ne résiste pas à établir la liste pour le ministère chargé du travail et des affaires sociales :

  • 1959-1966 : ministre du Travail,

  • 1966-1969 : ministre des Affaires sociales,

  • 1969-1972 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Population,

  • 1972-1973 : ministre des Affaires sociales,

  • 1973-1974 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Participation,

  • 1974-1978 : ministre du Travail,

  • 1978-1981 : ministre du Travail et de la Participation,

  • 1981-1983 : ministre du Travail,

  • 1983-1984 : ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale,

  • 1984-1986 : ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale + ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle,

  • 1986-1988 : ministre des Affaires sociales et de l’Emploi,

  • 1988-1991 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle + ministre des Affaires sociales et de la Solidarité

  • 1991-1993 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle + ministre des Affaires sociales et de l’Intégration,

  • 1993-1995 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle + ministre des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville,

  • 1995-1995 : ministre du Travail, du Dialogue social et de la Participation,

  • 1995-1997 : ministre du Travail et des Affaires sociales,

  • 1997-2002 : ministre de l’Emploi et de la Solidarité,

  • 2002-2004 : ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité,

  • 2004-2005 : ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale,

  • 2005-2007 : ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement,

  • 2007-2007 : ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité,

  • 2007-2009 : ministre du Travail, de la Famille, des Relations sociales et de la Solidarité,

  • 2009-2010 : ministre du Travail, de la Famille, des Relations sociales, de la Solidarité et de la Ville,

  • 2010-2010 : ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique,

  • 2010-2012 : ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé,

  • 2012-2014 : ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social + ministre des Affaires sociales et de la Santé,

  • 2014 - ? : ministre du Travail, de l’Emploi et du Dialogue social (Rebsamen) + ministre des Affaires sociales (Touraine).

Le très régalien ministère de l’Intérieur est également touché. Donnons quelques exemples :

  • 1981-1984 : ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation,

  • 1992-1993 : ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique,

  • 1993-1995 : ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire,

  • 2002-2004 : ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales,

  • 2007-2009 : ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales,

  • 2010-2012: ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration.

Même celui des Affaires étrangères :

  • 1981-1986 : ministre des Relations extérieures,

  • 2002-2002 : ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie,

  • 2007-2012 : ministre des Affaires étrangères et européennes,

  • 2014- ? : ministre des Affaires étrangères et du Développement international.

Tous les ministères subissent le même sort, ainsi que les ministères délégués ou des secrétariats d’État. Et je ne parle des ministères « fantaisistes », comme celui du Temps libre en 1981, qui apparaissent un jour pour disparaître le lendemain.

Que conclure de tout cela ?

Premièrement que les gouvernements, quels qu’ils soient, font d’abord de la communication. Par exemple, on va montrer que l’on s’occupe de l’emploi en créant un ministère séparé des affaires sociales. Au contraire, l’on voudra montrer que l’on a une politique cohérente sur l’ensemble du champ social et l’on créera un « super »ministère avec un nom à rallonge. Peu importe ensuite de quoi sera réellement faite la politique de ce ministère. Ce qui compte, c’est de dire que l’on agit plutôt que d’agir. C’est la politique à la française.

Les lobbies scrutent avec attention le nom des ministères. Ils estiment ainsi s’ils seront écoutés et s’ils pourront bénéficier de prébendes. Dernièrement, certains se sont émus que la santé ne figurât point dans l’intitulé du ministère des Affaires sociales. Je me souviens, il y a quelques années, que les pêcheurs avaient réclamé que le ministère de l’Agriculture soit aussi celui de la Mer. Et si par malheur le logement n’a pas son ministère, le Président de Fédération du Bâtiment organise une conférence de presse.

Deuxièmement, ces changements de dénominations ont pour effet de désorganiser l’administration. En effet, des semaines sont nécessaires pour savoir quels sont les directions, sous-directions, bureaux et services à rattacher à tel ou tel ministère. Par exemple, quelle doit être la tutelle de la direction de la recherche, de l’évaluation, des études et statistiques (DREES) ? Le ministre du Travail, celui des Affaires sociales ou encore celui de l’Économie ? Ou bien les trois à la fois ? Et ensuite, cette DREES doit-elle rester avenue Duquesne au ministère des Affaires sociales, ou rejoindre Bercy, ou encore Beaugrenelle où se trouve la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du Travail ?

Troisièmement, tout cela a un coût. À chaque nouvelle dénomination, il faut changer la plaque de cuivre à l’entrée du ministère, sans parler du papier-en-tête, des cartes de visite, etc.

Au Royaume-Uni, le chancelier de l’Échiquier (Chancellor of the Exchequer) porte ce titre depuis des siècles, de même que le secrétaire d’État des Affaires étrangères (Foreign Secretary) et le secrétaire d’État à l’Intérieur (Home Secretary).

Tiens, encore une idée pour faire quelques petites économies…

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