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La micropolitique, ou comment gouverner avec succès

Tel était le thème d’une conférence donnée en mars 1991, à l’Institut Euro 92, par Madsen Pirie. Les propos tenus par le président de l’Adam Smith Institute il y a plus de vingt ans sont toujours d’actualité.

Réformer grâce aux techniciens plutôt qu'aux idées

Madsen Pirie affirme, tout d’abord, que l’on accorde souvent, en politique, une trop grande place au rôle des idées. « Elles ne changent pas le monde à elles seules ». Ainsi, comme dans le domaine scientifique où les ingénieurs permettent de bénéficier concrètement des découvertes des savants, « il faut des techniciens pour compléter l’apport des théoriciens politiques ». C’est le premier constat.

Le deuxième constat s’appuie sur la théorie des choix publics. « Chacun, dit Madsen Pirie, cherche à maximiser ses avantages. C’est ainsi que « des minorités très motivées parviennent à obtenir des mesures contraires à l’intérêt de la majorité, parce que celle-ci y attache beaucoup moins d’importance ». Cela finit par donner au secteur public les défauts chroniques qu’on lui connaît : « tendance permanente au gonflement, confiscation par le personnel au détriment des besoins des usagers, sureffectifs, sous-équipement ».

Il y a bien des tentatives pour améliorer la situation. Mais, le plus souvent, celles-ci partent du principe que la situation dégradée est le résultat de dysfonctionnements administratifs qu’il serait possible de corriger. Alors qu’en fait elle est le résultat du mécanisme de prise de décision publique.

Nous voyons bien que les tentatives de réduction du personnel, d’amélioration des équipements, de réduction des dépenses apportent parfois un résultat. Mais celui-ci est provisoire car les administrations réussissent le plus souvent à s’y opposer, en s’appuyant sur les « groupes d’intérêt qui ressentent la réduction de l’État comme une menace ».

La solution réside donc dans la recherche, par des techniciens politiques, de méthodes pratiques prenant en compte le marché politique comme une donnée essentielle. C’est ce que Madsen Pirie appelle la micropolitique.

Il s’agit de connaître les ressorts du marché politique et « de les faire jouer dans le sens recherché ».

« Ainsi, dit Madsen Pirie, pour supprimer un avantage fourni par l’État, il faudra donner en échange un avantage perçu comme supérieur, pour que la catégorie bénéficiaire, bien loin de réagir contre la mesure et contre le gouvernement qui la propose, apporte son soutien à l’une et à l’autre. Le progrès pourra résulter du caractère différent du nouvel avantage : il pourra s’agir par exemple d’un gain de nature privée se substituant à des subventions publiques ; ou bien de l’attribution d’un privilège considérable mais ponctuel pour remplacer une rente de situation permanente de moindre ampleur. Dans les deux cas, les personnes concernées peuvent à juste titre considérer qu’elles ont intérêt à ce genre de mesure, qui cependant réduit les dépenses publiques pour l’avenir, même s’il y a éventuellement un surcoût immédiat ».

La micropolitique ressemble beaucoup à ce que l’on appelle péjorativement la politique politicienne. Certes, mais la finalité n’est pas la même : il s’agit bien de réduire le poids et d’accroître l’efficacité de la sphère publique.

La micropolitique n’attaque pas les privilèges de front. Elle n’est pas brutale. Elle demande du temps. C’est une dynamique, dont le résultat final n’est pas préconçu. Madsen Pirie compare le démantèlement du secteur public au désamorçage d’une bombe. « Il faut d’abord soulever le couvercle et étudier toutes les connexions afin de déterminer quels sont les fils à déconnecter et dans quel ordre. Si l’action est menée trop maladroitement ou trop brutalement, l’ensemble peut exploser à la figure de l’opérateur ».

Soulignons également que la technique utilisée doit s’adapter à chaque cas particulier. Il n’y a pas de recettes toutes faites, et ce qui a marché à un moment dans un pays peut ne pas fonctionner à un autre moment sous d’autres latitudes. La micropolitique est avant tout une approche, un mode de raisonnement, un système de valeur même. Il s’agit d’introduire des choix et des espaces de liberté pour les individus, de « permettre l’expression des préférences individuelles malgré les pressions des groupes d’intérêt ».

Au Royaume-Uni, la micropolitique a été largement utilisée. Et elle a fait la preuve de son efficacité. La France, aujourd’hui bloquée, chaque corporatisme défendant bec et ongles son pré carré et empêchant tout commencement de réforme, pourrait avantageusement profiter de cette technique.

Mais sans doute faudrait-il pour cela l’émergence d’une nouvelle Margareth Thatcher.

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