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Premiers enseignements sur la crise du coronavirus

En ce tout début du mois d’avril, la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 n’en est qu’à ses prolégomènes. Il est donc difficile de tenir des propos définitifs sur ce thème qui a envahi les médias au point d’avoir fait totalement disparaître tout autre sujet de l’actualité. Il est probable que de nombreux événements se dérouleront entre le moment où nous écrivons et celui où ce bulletin paraîtra.

Nous pouvons néanmoins tirer d’ores et déjà quelques enseignements sur la manière dont les gouvernements se sont emparés de cette épidémie. Trois modèles semblent émerger : le néerlandais, le coréen et le chinois.

Le modèle néerlandais : The show must go on

Nos voisins hollandais sont des commerçants dans l’âme depuis le XVIIème siècle où ils dominaient les mers et le commerce mondial. Aujourd’hui encore, ce petit pays tient la dragée haute à ses voisins européens en étant le 6ème exportateur mondial de marchandises relativement au PIB. En 2018, le commerce extérieur (exportations et importations de biens et services) représentait 161% du PIB des Pays-Bas, contre 50% en Allemagne pourtant puissance exportatrice de taille.

On comprend bien pourquoi les Pays-Bas entendent continuer à faire leur métier de commerçants, et rechignent non seulement à fermer leurs frontières, mais aussi à confiner la population chez elle.

Comme le chantait Freddie Mercury, « The show must go on ». S’il avait parlé le batave, il aurait dit « de show moet doorgaan ». Bref, les affaires sont les affaires.

Certes les bars, restaurants, musées, salles de sports établissement scolaires sont fermés. Mais les rues d’Amsterdam ou de La Haye ne sont pas aussi vides que celles de Rome ou Paris. Le gouvernement néerlandais laisse les habitants aller et venir comme bon leur semble et profiter du soleil printanier. Seule consigne : ne pas sortir en cas de contamination. Les entreprises dont l'activité est jugée indispensable à l'économie sont autorisées à rester ouvertes.

La stratégie du gouvernement est d’arriver le plus rapidement possible à une immunité collective, qui sera atteinte quand 50 à 60 % des habitants auront été infectés, produiront des anticorps et ne seront plus contagieux.

Le gouvernement britannique de Boris Johnson a d’abord suivi cette voie, avant de changer d’avis et d’opter pour le confinement généralisé.

En revanche, la Suède pousse le modèle encore plus loin puisqu’elle garde les écoles ouvertes par exemple et que la plupart des commerces, bars et restaurants poursuivent leur activité, même s’ils sont moins fréquentés. Le gouvernement recommande tout de même à ses citoyens de garder leurs distances et de respecter les mesures d’hygiène.

Pour Ann Linde, ministre des Affaires étrangères, qui s’exprimait dans Le Figaro du 3 avril, le modèle suédois est basé « sur la responsabilité personnelle, et la confiance dans les décisions prises par les agences gouvernementales ». C’est ainsi qu’à Stockholm, il y a 70 % de gens en moins dans les rues du centre-ville, et 50 % de moins dans les transports.

Pour Lena Hallengren, ministre de la Santé, ces résultats persuadent le gouvernement « que les mesures contraignantes ne sont pas le seul moyen de changer les comportements ». Quant à la vice-premier ministre, Isabella Lövin, elle a déclaré, toujours au Figaro : « Nous sommes prêts à prendre des décisions plus fortes pour contenir le virus mais nous savons aussi que cette épidémie ne va pas disparaître en une ou deux semaines, cela va durer des mois. Nous prenons des mesures qui sont acceptables par la population sur le long terme… On se prépare pour un marathon, pas pour un sprint ».

Le modèle coréen : Experience is the best teacher

Précisons d’emblée que nous traitons ici de la Corée du Sud. La Corée du Nord, elle, n’est nullement infectée par le virus. Le pays est, en effet, pratiquement confiné toute l’année, offrant ainsi peu de prise au Covid-19. Il est surtout doté d’un dirigeant remarquable, « Grand soleil du XXIème siècle », « Grand successeur de la cause révolutionnaire du Juche et chef remarquable du parti, de l’armée et du peuple », « Génie des génies des sciences militaires », qui a protégé sa population de l’ennemi invisible.

Les dirigeants sud-coréens sont certes moins doués que Kim Jong-un, mais ils ont su tirer les leçons du passé. En effet, en 2015, la Corée est touchée par l’épidémie de Mers, un autre coronavirus. Comme l’explique le professeur Jung-Hyun Ahn sur le site de l’Institut économique Molinari (IEM), « à cette occasion, il a été découvert combien il était important de contenir la propagation du virus dès sa phase initiale. Pour ce faire, il faut être en capacité de réaliser des tests à grande échelle et d’organiser le confinement. Il faut pouvoir faire sortir du circuit habituel les gens qui sont contaminés et peuvent avoir besoin de soin ».

Ainsi, dès 2016, a-t-il été décidé de raccourcir le délai d’homologation des kits de dépistage en cas de crise. Le laboratoire privé coréen qui a développé le premier test du coronavirus a obtenu l’homologation en une seule semaine (alors que les délais habituels sont d’environ 18 mois). Des thermomètres ont également été installés dans certains endroits, le port du masque s’est très largement répandu, de nombreux lieux publics, notamment les transports, ont été systématiquement désinfectés.

La population n’a pas été confinée de manière systématique, mais enjointe à respecter les consignes en matière d’hygiène et de distanciation sociale. En cas de doute sur son état, un individu peut se faire dépister. S’il est positif mais sans symptômes, il est confiné chez lui. S’il présente des symptômes, il est suivi médicalement dans un des bâtiments publics transformés pour l’occasion en centre médical. Si son cas est grave, il est bien sûr hospitalisé. Fin mars, 400 000 personnes avaient déjà été testées, parfois jusqu’à 20 000 par jour.

Le professeur Jung-Hyun Ahn raconte ainsi que le 10 mars, un foyer « a été découvert à Séoul dans un call center. Conformément à la stratégie coréenne, tout le personnel a été testé, confiné si nécessaire. Un centre de dépistage ad hoc a été improvisé devant le bâtiment pour tester tout le personnel. Le bâtiment a été désinfecté, les résidents appelés à s’isoler ».

Le gouvernement coréen utilise également les nouvelles technologies pour reconstituer les déplacements des malades afin de prévenir les personnes qu’ils ont pu croiser et leur demander de se tester. « Les lieux visités par ces personnes sont systématiquement désinfectés et fermés pendant 14 jours », nous dit le professeur Ahn. Toutes les données collectées sur les malades par les images de vidéosurveillance, l’utilisation des cartes bancaires ou encore le bornage du téléphone portable, sont ensuite rendues publiques. Chacun peut les consulter sur internet et vérifier s’il a pu être en contact avec les personnes infectées.

Les difficultés sont réelles en Corée aussi, mais l’économie continue toute de même de fonctionner.

Le modèle chinois : Freedom is slavery

Enfin, dernier modèle, le chinois qui s’est largement imposé dans la majorité des pays. La célèbre devise de 1984 – « War is peace, freedom is slavery, ignorance is strength » ( La guerre, c’est la paix ; la liberté, c’est l’esclavage ; l’ignorance, c’est la force) – semble l’inspirer.

Le foyer originel du Covid-19, la ville de Wuhan et la province du Hubei, ont été isolés, puis des mesures draconiennes de restriction des déplacements et des rassemblements ont été prises dans l’ensemble du pays. Les contrôles ont été généralisés et sont très stricts.

On connaît l’essentiel de ces mesures qui sont aussi appliquées en France, à quelques nuances près. Dans notre pays, par exemple, le port du masque n’a pas été généralisé comme dans l’Empire du Milieu.

Mais le modèle chinois ne se caractérise pas par le seul confinement. Non, ce qui en ressort, c’est d’abord le mensonge. Les médecins qui ont, les premiers, alerté sur la dangerosité du virus ont été immédiatement bâillonnés. Les autorités chinoises ont volontairement caché la gravité de la situation car il ne fallait pas gâcher les festivités du Nouvel an chinois (du pain et des jeux). Un bon mois a ainsi été perdu avant que les premières vraies mesures soient prises. Quant à ceux qui ont depuis critiqué la gestion de la crise, ils ont mystérieusement disparu.

Le mensonge porte aussi sur le nombre de victimes. Le régime chinois annonce 3 400 morts, prouvant ainsi l’efficacité de sa politique. En réalité, selon les experts, on serait plus proche des 100 000 morts pour tout le pays, dont 60 000 pour Wuhan.

Les mensonges continuent aujourd’hui puisque le parti communiste est en train de réécrire l’histoire de l’épidémie à son avantage. La Chine envoie même des masques partout dans le monde et des pays comme la France la remercie chaleureusement pour son aide.

Quel modèle la France a-t-elle retenu ?

S’étonnera-t-on que la France copie le modèle chinois au-delà du confinement généralisé ? Car le gouvernement français a lui aussi tardé à prendre au sérieux la situation pour sauver les élections municipales et les matchs de foot. Agnès Buzyn affirmait que le risque était minime que le virus sorte de Chine. La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, déclarait encore le 5 mars dernier : il « faut avoir conscience que 80 % des malades ont un gros rhume, une grosse grippe au maximum » et qu’il n’y a que « 20 % de cas qui sont compliqués ». Elle concluait que tout cela ne valait pas qu’on arrête le pays. La ministre n’a pas eu peur d’assurer que les tests n’étaient pas vraiment utiles, ou encore que les masques n’étaient nécessaires qu’aux personnes malades. Des masques qui, aujourd’hui, sont en passe de devenir indispensables pour tout le monde.

Loin de nous de prétendre que la gestion d’une telle crise est aisée. Encore moins de donner des leçons sur ce qu’il aurait fallu faire. Cependant, il faut bien pointer que les mensonges du gouvernement français sont là pour cacher l’indigence dans laquelle se trouve l’État. Car si aucune leçon ne semble avoir été tirée de ce qui se passait à l’étranger, c’est tout bonnement parce que nos finances publiques sont dans un état déplorable.

Endetté et déficitaire, l’État a été incapable de prendre ne serait-ce que des mesures de bon sens. Son premier réflexe a été le rationnement des masques, des tests, des gels hydroalcooliques, des vêtements de protection…

Une économie de rationnement, des individus contrôlés, une société sous surveillance… voilà donc les seules réponses que nos gouvernants sont capables d’apporter faute de marges de manœuvre.

Il est encore trop tôt pour dire lequel de ces trois modèles aura été le plus efficace. Nous verrons cela au sortir de la crise. Mais nous doutons que ce soit celui choisi par le gouvernement français.

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