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Peut-on vraiment aimer sa boîte ?

Hier, le 2 octobre 2014, la Fête des Entreprises, avec son slogan « J’aime ma boîte », connaissait sa douzième édition. Une initiative à saluer et à promouvoir. D’ailleurs, elle commence à s’inscrire dans le paysage des entreprises françaises, puisqu’en 2013 quelques 400 000 entreprises ont participé à l’opération. Mais une question demeure : peut-on vraiment aimer sa boîte ?

Aimer sa boîte ou aimer son entreprise ?

En créant, en 2003, la Fête des Entreprises, Sophie de Menthon et son mouvement Ethic (Entreprises de Taille Humaine Indépendantes et de Croissance) ont fait œuvre de salubrité publique.

En effet, nous avons bien besoin de cette initiative en France où l’entreprise est souvent accusée de tous les maux, à commencer par le chômage, en passant par la recherche effrénée du profit, jusqu’aux risques psycho-sociaux voire aux suicides des salariés. Bref, l’entreprise serait un lieu où il ne fait pas bon vivre.

Ce n’est pas vraiment l’opinion qu’en ont les salariés si l’on se fie au sondage réalisé par Opinionway, comme chaque année, à l’occasion de cette Fête des Entreprises. Dans ce sondage, 70 % des salariés interrogés déclarent aimer leur entreprise. Il n’y a donc pas que Manuel Valls qui « aime l’entreprise ».

Il n’en demeure pas moins que les « faiseurs d’opinion » – politiques, journalistes, enseignants (à cet égard, la façon dont on présente l’entreprise dans les manuels scolaires est affligeante) – véhiculent, la plupart du temps, une vision tronquée, si ce n’est erronée, du monde du travail.

C’est pourquoi la Fête des Entreprises doit être un rendez-vous incontournable chaque mois d’octobre. Longtemps la CFE-CGC a été un partenaire de cette manifestation. Cela ne semble plus être le cas cette année… Mais l’on s’étonnera aussi que les principales organisations patronales ne soutiennent pas l’opération.

Cependant, nous voudrions nous arrêter sur le slogan, « J’aime ma boîte ». Certes, nous avons bien compris qu’il s’agit d’adopter le langage courant, de « faire jeune », de souligner que l’entreprise est branchée… Mais réfléchissons-y tout de même quelques instants.

Une boîte est d’abord destinée à contenir des objets. L’on pense à une boîte à chaussures, ou à une boîte de sardines où les poissons sont serrés.

Contrairement à ce que l’on croit, l’expression n’est pas nouvelle. En 1893, Courteline fait dire à Chavarax, dans Messieurs les Ronds-de-Cuir, son « envie de lâcher la boîte ce soir ». Et Mirbeau, dans son Journal d’une femme de chambre, en 1900, un des personnages déclare : « je pars… je quitte la boîte ce soir ».

Bref, la boîte, c’est l’entreprise que l’on n’aime pas. On la lâche car on n’y est pas attaché. On la quitte car on ne s’y sent pas bien. On n’y est pas chez soi.

Il est intéressant de regarder le visuel attaché au concours photo organisé en 2013 par la Région Ile-de-France, et intitulé « Et pour vous, elle est comment votre boîte idéale ? ».

La boîte en question est une boîte à œufs. Certes elle est belle, d’un rouge éclatant. Les œufs y ont l’air joyeux. Mais l’on remarquera qu’ils y sont quand même à l’étroit dans leurs alvéoles. Et puis, comparer les salariés à des œufs ! Des oiseaux que l’on a empêché de naître, de grandir et de prendre leur envol…

Alors, peut-on aimer sa boîte ? C’est à voir. Mais l’on peut aimer son entreprise. À quelles conditions ?

Le sondage réalisé pour la Fête des Entreprises 2013 nous donne un élément de réponse. À la question « Qu’est-ce qui explique le plus votre attachement à votre entreprise ? », les salariés sondés mettent en avant l’intérêt du travail (49 %), puis les relations avec les collègues (39 %) et l’ambiance (31 %).

Une autre étude est riche d’enseignements. C’est celle de la Dares (Ministère du Travail) portant sur les motifs des ruptures conventionnelles, publiée en octobre 2013. On y apprend que de la rupture du contrat de travail trouve son origine dans une mésentente pour 51% des cas (dont 46% dans une mésentente avec la hiérarchie), dans des insatisfactions liées aux caractéristiques de l’emploi dans 65 % des cas (et principalement pour des problèmes de salaire et/ou de contenu du travail pour 39 %). Enfin, 31 % évoquent un changement de méthodes de management.

Nous avons là le portrait en creux de l’entreprise aimable. Elle propose un travail intéressant, qui a du sens. Les relations de travail entre collègues et avec la hiérarchie sont sereines, basées sur la confiance. Le management sait conduire le changement et contribue à rendre l’ambiance de travail agréable.

À ces conditions, l’entreprise peut être une aventure. Pas seulement pour celui qui l’a créée, l’entrepreneur. Mais aussi pour les salariés qui pourront s’y épanouir, créer, innover… C’est-à-dire, comme le disait Ludwig von Mises, être des homo agens, c’est-à-dire des être humains qui agissent.

Sinon, l’entreprise ne sera qu’une boîte que les salariés chercheront à quitter. Et qu’ils rempliront, en attendant leur départ, de démotivation et de désengagement.

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