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La rengaine des avantages acquis

La plupart de ceux qui manifestent à l’appel de la CGT ou de FO veulent défendre les avantages acquis. Mais pourquoi faudrait-il que ces avantages soient définitivement acquis ?

Les moustaches de Martinez ont détruit des emplois

Les manifestations n’en finissent plus, et elles commencent à lasser. Surtout ceux qui, sur le passage des cortèges, sont victimes des casseurs. Les manifestants, eux, ne semblent pas fatigués de battre le pavé. D’autant plus qu’ils se sentent soutenus par les Français si l’on en croit les sondages.

Pourtant, il y a de quoi s’étonner. S’étonner du soutien des Français qui, pour l’immense majorité, ne savent pas ce que contient la loi travail de Myriam El Khomri. Et la plupart des manifestants non plus d’ailleurs. S’étonner aussi que ces manifestants, issus pour une grande partie de la fonction publique, se mobilisent contre un texte qui ne les concerne pas au premier chef. Ils craignent, avouent-ils, que les dispositions qui s’appliqueraient au privé ne viennent les toucher dans quelques années. Bref, ils s’arc-boutent sur leurs « avantages acquis ».

Vous le savez, l’histoire se répète souvent. D’aucuns prétendent même qu’elle bégaie. On pourrait le croire en regardant ce qui se passait à la fin du XIVe siècle du côté d’Auxerre[1].

À cette époque là, les crises multiples font monter les salaires, en particulier celui des vignerons. De 8 deniers la journée en 1345, il monte à 20 deniers après la peste noire, et finit par atteindre, à la fin du siècle, 30 à 35 deniers. Pour les travaux difficiles ou urgents, on réclame même 60 deniers, c’est-à-dire 5 sous.

Cette hausse vertigineuse s’explique par la pénurie de main d’œuvre. La peste, nous l’avons dit, décime la population. Mais il ne faut pas oublier les dégâts causés par les incursions anglaises en pleine Guerre de Cent Ans. Ainsi Auxerre, en 1359, subit un siège de six mois avant d’être occupée. Le vignoble est saccagé par la guerre : les maisons sont brûlées, les pressoirs détruits, les ceps coupés au pied. L’ennemi veut tout détruire.

Pour reconstruire le vignoble, d’énormes efforts seront nécessaires. Et comme les travailleurs sont devenus rares – ils sont morts ou ont fui – les salaires augmentent.Mais une fois les vignobles reconstitués, les propriétaires entendent retrouver des niveaux de salaires plus raisonnables. Les vignerons, eux, veulent conserver les avantages acquis.

Les employeurs portent donc l’affaire devant les tribunaux. Ils se plaignent notamment de la durée du travail, toujours de plus en plus courte. Les vignerons font trois repas durant la journée de travail, puis font la sieste et quittent les vignes de plus en plus tôt, vers trois heures de l’après-midi selon certains témoignages.

Malgré des condamnations qui peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement, les vignerons ne cèdent pas. Ils menacent de saboter le travail comme d’arracher les bons ceps et de garder les vieux.

Le Parlement de Paris, qui finit par être saisi à son tour de l’affaire, rendra un jugement qui ménage la chèvre et le chou, laissant au temps et aux lois de l’offre et de la demande le soin de régler naturellement le conflit. La main d’œuvre se reconstituant, les salaires ont fini par baisser.

Cette vieille histoire nous montre que la préservation des avantages acquis ne date pas d’hier.

Et pourtant, quoi de plus naturel que de s’adapter aux circonstances ? Le jour où Philippe Martinez a décidé de se laisser pousser la moustache, son fournisseur de mousse à raser a bien dû s’adapter. Peut-être a-t-il connu une baisse de revenu suite à cet événement ? Philippe Martinez s’est-il inquiété des conséquences de son geste ?

C’est ainsi que la mode de la barbe pèse sur les ventes de rasoir. En revanche, les barbiers ont le vent en poupe. Pour aller vite, on peut dire que les fabricants de rasoirs licencient pendant que les barbiers recrutent. Or, il est peu probable que les salariés licenciés de l’usine allemande de Gillette se transforment du jour au lendemain en barbier parisien, londonien ou romain.

Des millions de personnes en France – des milliards de par le monde – prennent chaque jour des micro-décisions qui, additionnées, ont des conséquences sur l’économie, sur notre entreprise, sur notre emploi. Et nous devons nous adapter.

Le monde change constamment. Et vite. Certes, il n’est pas toujours agréable de changer ses habitudes, de se remettre en cause. Mais refuser la réalité conduit toujours à l’échec, voire à la catastrophe.

Mais Monsieur Martinez, en bon marxiste, n’a jamais rien compris à l’économie.

[1] D’après « La mémorable affaire des vignerons d’Auxerre », Historia n°73, septembre-octobre 2001.

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