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La vraie révolution, c’est la liberté de choix – 3/3 : la Charte du citoyen

Après les privatisations et les « marchés internes », voici maintenant la présentation du troisième pilier de la « révolution conservatrice » britannique, lancée par Margaret Thatcher, poursuivie par John Major et inspirée par Madsen Pirie : la Charte du citoyen.

La Charte du Citoyen de Margaret Thatcher

Ce troisième pilier de la réforme s’adresse aux services publics non concernés par les deux premiers. Sans privatiser et sans recourir à la technique des « marchés internes », il s’agit de les obliger par la loi à faire ce que fait le secteur privé pour des raisons commerciales. Bref, la Charte du citoyen (Citizen’s Charter) entend rompre la spirale infernale qui consiste à négliger les consommateurs, la qualité des prestations et les coûts de production.

Pour Madsen Pirie, le principe est simple : « on définit d’une part ce que le citoyen a droit d’exiger du service public en échange de ses impôts, et d’autre part les modalités de réparation en cas de non satisfaction ou de litige ». Car le contribuable est tenu de payer ses impôts sous peine de sanction, mais le secteur public n’est tenu à rien. Il n’existe aucun engagement légal de l’Administration ni aucun outil pour mesurer sa performance.

C’est ainsi qu’il a été demandé à chaque service public de déterminer précisément ses prestations, en fonction des attentes du public. « Dans la pratique, cette innovation signifie une réévaluation complète des services publics, secteur par secteur. Pour la première fois, les fonctionnaires ont donc été obligés de s’interroger sur leur fonction et leurs objectifs. Chaque service a dû instaurer sa propre procédure de surveillance pour mesurer ses performances. Enfin, chaque service est maintenant équipé d’un dispositif d’indemnisation ou de compensation ».

Entre l’automne 1991 et l’été 1992, une trentaine de chartes ont vu le jour. De qualité assez inégale et parfois un peu trop éloignées du désir initial de tenir compte des attentes du citoyen, elles seront « perfectionnées » dans le temps, puisque une révision annuelle a été prévue.

Une des clés du succès a été, dès le début de la réforme, de rendre chaque service public « propriétaire » de sa charte : « plutôt que d’imposer des objectifs de qualité, il est préférable de laisser chaque service développer et appliquer ses propres idées d’amélioration. Il était alors probable que les normes qui en résulteraient seraient fondées sur une connaissance réelle de chacun de ces services ».

Par exemple, la charte du passager, qui s’applique aux transports par voie ferrée, fixe des objectifs en termes de ponctualité et de fiabilité à British Rail. « Pour les services Intercity, la ponctualité implique qu’il ne peut y avoir plus de 10 % des trains qui aient plus de 10 minutes de retard. La fiabilité signifie que 99 % des trains annoncés doivent circuler ». Et en cas de non-satisfaction, British Rail s’engage à indemniser les passagers. « Si, par exemple, la ponctualité est inférieure aux objectifs de plus de 3 % (ou la fiabilité de plus de 1 %), les détenteurs d’abonnements annuels auront droit à une réduction de 5 %. Si aucun des objectifs n’est atteint, ils bénéficieront d’une réduction de 10 %. Par ailleurs, tous les passagers pourront prétendre à un bon équivalent à une réduction de 20 % pour un retard supérieur à une heure. Si un passager décide de changer sa date de départ à cause d’un retard ou d’un service annulé, il peut demander un remboursement immédiat. On ne néglige pas non plus le service-clientèle, puisque le temps d’attente maximal aux guichets est désormais de 5 minutes aux heures de pointe, et de 3 minutes aux heures creuses ».

Vous l’avez compris, il ne s’agit pas, avec les chartes, de faire des promesses ambitieuses mais vides de substance. « L’enjeu, dit Madsen Pirie, consiste à fixer des objectifs spécifiques et détaillés qui sont réalisables, et d’assurer une indemnisation si les engagements ne sont pas respectés. »

La Charte du citoyen ne se substitue pas aux privatisations, ni à la concurrence. Mais elle peut être une première étape. Une privatisation serait sans doute plus facile à réaliser dans un service régi par une charte et qui se comporte déjà, sur certains plans, comme une entreprise privée.

Avec la Charte du citoyen, le secteur public est contraint de s’adapter aux demandes des citoyens. Et ne négligeons pas le fait que la Charte du citoyen peut aussi encourager les fonctionnaires, souvent démotivés et prisonniers d’un système qui ne les incite pas à travailler.

Les trois piliers de la « révolution conservatrice » britannique se tiennent. Il s’agit d’opérer un véritable changement culturel : faire en sorte que les citoyens britanniques ne soient plus considérés uniquement comme des contribuables, mais d’abord comme des consommateurs de services publics, des clients.

L’objectif des gouvernements conservateurs était bien de transformer le Royaume-Uni : en faire une société gouvernée par le bas, et non plus d’en haut.

Pour cela, la théorie des choix publics a été d’un grand secours. En effet, pour Madsen Pirie, « un grand nombre de réformes politiques sensées échouent parce qu’elles sont considérées comme une menace par les groupes de pression suffisamment puissants pour bloquer leur application. On accuse alors souvent de faiblesse les gouvernements qui ne parviennent pas à faire aboutir leurs politiques, alors qu’il serait plus juste de dire que les méthodes employées ne sont pas les bonnes. Si tous ont intérêt à s’unir pour accroître le poids de l’État, la seule volonté politique ne suffit pas pour les combattre. La théorie des choix publics a donc le mérite de tenir compte de ces contraintes et de formuler des réponses aux questions que se posent les dirigeants politiques résolus à neutraliser les forces bureaucratiques ». Cela ne vous rappelle-t-il pas des situations passées ou présentes ?

L’opposition a deux ans pour travailler, se donner des objectifs, inventer une méthode propre à la France, préparer des argumentaires. Elle a même le temps de rédiger des projets de loi qui pourraient être tout prêts quand l’alternance viendra. Sinon, la réforme de l’État n’est pas pour demain. Ni pour 2017.

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