Une nouvelle nuit du 4 août est annoncée
Le 4 août 1789, l’Assemblée constituante mettait fin au système féodal et abolissait tous les privilèges.
Depuis des privilèges nouveaux se sont constitués. Mais Arnaud Montebourg, le vibrionnant ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique veille. Il a annoncé, le 10 juillet 2014, qu’il prenait la tête de « la nécessaire lutte contre la rente et le monopole ».
« Ce sera, a affirmé avec grandiloquence le ministre, la bataille des Modernes contre les Anciens, la bataille de l’audace contre le conformisme, la bataille contre les révolutionnaires du statu quo ».
Bref, nous allons voir ce que nous allons voir. Une « loi de remise en mouvement de l’économie » est promise, probablement à l’automne.
Mais quelle mouche l’a donc piqué ? En fait, c’est un rapport qui a mis le feu aux poudres. Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées commandé par Pierre Moscovici lorsqu’il était encore à Bercy.
Le rapport passe au crible 37 professions accusées de bénéficier de rentes. Il préconise des réformes comme la fin de certains monopoles ou la modification de la fixation des tarifs réglementés… Cela, selon l’IGF, pourrait générer jusqu’à 20 % de baisse des prix, et 0,3 point de PIB. Et Arnaud Montebourg de promettre de redonner 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages.
Nous pouvons nous réjouir de cette lutte annoncée contre les monopoles et les rentes. Mais, nous avons quand même un peu de mal à y croire, pour au moins quatre raisons.
La première est que les professions concernées ont tout de suite enfourché le cheval de la contre-offensive. Notaires, huissiers de justice, greffiers des tribunaux de commerce… défendent bec et ongles leur monopole. Les arguments sont nombreux : ils s’endettent fortement pour acheter un office, certains actes sont réalisés à perte, leur monopole permet une grande qualité de service, etc. Bref, ils ne lâcheront rien sans se battre comme des diables. Et au final, nous pourrions avoir, comme d’habitude, des demi-mesures inefficaces, qui ne feront qu’ajouter des tuyaux à l’usine à gaz.
La deuxième raison est que le gouvernement a pris récemment des dispositions qui vont à l’encontre de cette lutte contre les monopoles. C’est ainsi que la proposition de loi Thévenoud, adoptée le 10 juillet 2014 par l’Assemblée nationale, prévoit l’interdiction de la maraude électronique pour les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur) qui, en outre, devront former leurs chauffeurs et réaliser un contrôle technique de leurs véhicules tous les six mois. La loi interdit également le cumul des activités de taxi et de VTC, et donne la possibilité aux autorités locales de décider d’une couleur unique pour rendre les taxis plus reconnaissables. En résumé, des mesures destinées à protéger les taxis contre la concurrence des VTC.
Autre exemple avec la loi de février 2014 sur l’auto-entreprenariat. Certes, le pire a été évité, notamment grâce à la mobilisation des « Poussins ». Néanmoins, cette loi comporte des mesures visant à protéger les artisans. Ainsi, les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale devront suivre un stage obligatoire de préparation à l'installation, s’immatriculer à la chambre des métiers et de l’artisanat en justifiant d’une qualification ou d’une expérience dans le domaine d’activité, faire mention d’une assurance sur leurs devis et factures (amendement d’un député UDI). Enfin, tous les auto-entrepreneurs, artisans ou non, auront de nouvelles taxes à payer : celle pour frais de chambres consulaires et la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises. On ne peut pas vraiment dire que ces nouvelles contraintes aillent dans le sens d’une plus grande liberté d’entreprendre.
La troisième raison figure dans le rapport de l’IGF lui-même. En effet, dès que l’administration s’empare d’un sujet, on peut craindre qu’elle cherche avant tout à renforcer ses pouvoirs, et non pas à libéraliser. L’IGF propose donc, à l’instar de l’Autorité de la concurrence, de « payer pour partie les pharmaciens au forfait au titre des missions de service public et de conseil qu'ils peuvent effectuer auprès de leurs clients, notamment en milieu rural ». Cela ne pourra que générer des fonctionnaires pour mettre en place, faire fonctionner et contrôler le système, ainsi que de la paperasse et du temps perdu pour les pharmaciens. Toutes choses qui risquent bien vite d’annuler le gain généré par la suppression du monopole.
La quatrième raison tient à la personnalité d’Arnaud Montebourg. Tout d’abord, il mène habituellement des croisades qui n’ont rien de libérales : contrôle des investissements étrangers dans les secteurs considérés comme stratégiques, nationalisation partielle d’Alstom et de PSA, parmi les plus récentes décisions. Ensuite, il a la fâcheuse manie de perdre ses batailles : où en est la réindustrialisation de la France ? Où en est le made in France alors que François Hollande lui-même achète des lunettes fabriquées au Danemark ? Où en est le « sauvetage » de Florange ? Qu’a donné sa mobilisation en faveur de Siemens dans le dossier Alstom ? Qu’en est-il du « redressement productif » ?
Alors, s’attaquer aux privilèges, aux rentes, aux monopoles ? Oui, mais sans en oublier aucun !
Et à ce jour, Arnaud Montebourg oublie les monopoles de la Sécurité sociale, du RSI, ou de l’Agirc et de l’Arrco, etc. Il oublie les avantages dont bénéficient les intermittents du spectacle en matière de chômage. Il ne pense pas aux privilèges des fonctionnaires en matière de retraite. Il est resté muet lors de la dernière grève à la SNCF dont le but était de défendre le statut des cheminots.