Un jour ordinaire à La Poste
La Poste a beaucoup changé ces dernières années. En 1990, les PTT (Postes, télégraphes et téléphones) perdent leur statut d’administration, et sont divisées en deux entreprises publiques autonomes, La Poste et France télécom (devenue Orange depuis). En 2010, La Poste devient une société anonyme, les capitaux restant cependant publics en totalité.
Enfin, notons que depuis le 1er janvier 2011, l’activité de distribution du courrier est ouverte à la concurrence. Vous avez donc, en théorie, le choix entre plusieurs opérateurs – 34 selon la dernière liste fournie par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) pour vos envois de courriers.
Je dis « en théorie », car il faut reconnaître que concurrencer La Poste avec ses 10 000 bureaux, ses 90 000 facteurs et ses 125 000 boîtes aux lettres de rue, n’est pas facile. Le « ticket d’entrée » sur le marché est très élevé. Ceux qui s’y sont essayés se sont cassés les dents. Les concurrents sont donc présents aujourd’hui sur certaines niches lucratives, et sur des zones géographiques restreintes, le plus souvent urbaines.
Ajoutons, enfin, que la distribution de courrier n’est pas une activité porteuse, constamment en baisse au profit des échanges électroniques.
Les bureaux de Poste ont, eux aussi, changé. Les mines patibulaires derrière les hygiaphones ont laissé place à des agents plus aimables qui vont au devant du client. D’ailleurs, il n’y a plus de guichets mais un vaste open space, où tout est en libre service, y compris des téléphones ou de la papeterie.
Mais La Poste ne semble pas en avoir terminé avec les changements. Son PDG a lancé le 22 mai 2014 une négociation pour un nouveau « pacte social » qui doit accompagner le nouveau plan stratégique. Il s’agirait, par exemple, d’accroître la collaboration entre La Banque Postale et le réseau des bureaux de poste, de différencier davantage les bureaux de poste en fonction de leur clientèle, d’ouvrir les points postaux dans les gares de 7 à 20 heures, etc. Bien entendu, des syndicats sont déjà vent debout contre ce projet et cela devrait prochainement donner lieu à des jours de grève.
Je voudrais apporter ma pierre à l’édifice en vous narrant mes récents déboires avec l’institution postale.
Pour répondre à un appel d’offres, j’avais besoin de connaître les solutions d’enveloppes réponse pré-payées proposées par La Poste. Je visite donc son site Internet sans trouver exactement ce que je cherchais. Mais le site donne les coordonnées téléphoniques du service commercial que j’appelle. J’expose ma demande à mon interlocuteur qui me dit que, pour ce type de solutions, il faut se rendre dans un bureau de poste. Aussitôt, je me déplace dans le bureau le plus proche. Une dame – la responsable du bureau, me semble-t-il – me répond gentiment et me suggère des solutions pas entièrement satisfaisantes à mes yeux. Elle me propose de se renseigner sur d’autres offres et de me rappeler plus tard. Pour cela, elle prend mon nom, la raison sociale de l’entreprise et son adresse, ainsi que mon numéro de téléphone. Nous sommes le mercredi 19 mars, je lui demande de me rappeler au plus tard le lundi 24 mars, car je dois remettre ma proposition commerciale le lendemain.
Vous vous en doutez, le 24 mars je n’ai eu aucune nouvelle de La Poste. J’ai donc supposé que la solution que je cherchais existait bel et bien, j’en ai estimé le prix pour finaliser ma proposition commerciale et pouvoir ainsi répondre en temps et en heure à l’appel d’offres.
Le vendredi 28 mars, je découvre un message sur mon portable. Un collaborateur de la directrice du bureau de poste me rappelle pour répondre à ma question. Le sujet n’étant plus urgent, je ne le rappelle que le lundi suivant, le 31 mars. Il faut alors que je lui réexplique mon problème, car on lui avait demandé de me joindre mais sans lui préciser l’objet de ma demande. Il n’a lui non plus pas de solution précise à me proposer, et pense que c’est au service commercial de me répondre. Il me demande alors de lui adresser un mail, exposant le problème, qu’il fera suivre au service commercial, qui répond généralement, m’assure-t-il, dans les 24 heures. Un mail qui doit indiquer tous les renseignements que j’ai déjà fournis et, en plus, mon numéro de Siren. On se demande bien pourquoi, mais je m’exécute tout de même.
Vous avez encore deviné : le lendemain, aucun nouvelle du service commercial de La Poste. Le 10 avril 2014, soit plus de trois semaines après mon premier contact, l’agent qui était destinataire de mon mail s’inquiète de mon sort. Il me demande si j’ai reçu un devis. Je ne peux que lui répondre par la négative. Et aucune réponse n’est arrivée depuis lors.
Pourtant, La Poste a bien enregistré mon adresse email car elle m’envoie désormais régulièrement des messages publicitaires. Le dernier en date s’intitulait « Comment optimiser la gestion de votre courrier ? Avec La Poste, c’est simple et c’est PRO ».
À propos de service professionnel, il convient de raconter une autre histoire qui s’est déroulée concomitamment. Toujours pour la réponse à mon appel d’offres, il me fallait chiffrer la reproduction de documents en grande quantité. Je vais donc sur le site web de Copy Top, toujours le 19 mars, et remplis le formulaire de contact. Aussitôt, je reçois un email m’indiquant que ma demande a été prise en compte et qu’un conseiller va me contacter dès que possible. Quelques minutes plus tard, je reçois l’appel en question et expose ma demande. Le conseiller m’envoie dans la foulée le devis demandé. Entre ma demande remplie sur Internet et la réception du devis, il s’est écoulé très exactement 26 minutes.
Le lendemain, le 20 mars, le conseiller de Copy Top me rappelle pour vérifier que j’ai bien reçu le devis et que celui-ci correspond à ma demande. Je lui précise que je réponds à un appel d’offres et que le client ne donnera sa réponse que début mai. Dans le courant du mois d’avril, il me contacte à nouveau pour savoir si début mai reste la date prévue de réponse et si j’en sais davantage sur le timing des opérations. Enfin, le 7 mai 2014, il m’envoie un mail pour me demander quelle suite réserver à sa proposition. Ayant, entre temps, reçu la réponse (malheureusement négative) de mon client, je l’en informe.
Le rapprochement des deux histoires est particulièrement édifiant et n’est pas à l’avantage de La Poste.
Certes, comme nous l’avons écrit, La Poste a beaucoup évolué. Mais manifestement, elle a encore besoin de changer, de s’améliorer, d’abandonner cette culture administrative toujours présente, d’affronter ses syndicats archaïques et néfastes pour sa santé économique.
Mais le pourra-t-elle sans véritable concurrence ? Car ce sont bien les concurrents qui poussent une entreprise a toujours avoir le souci de ses clients, à innover et à améliorer constamment ses produits et services.
À cet égard, il est intéressant de constater ce qui se passe de l’autre côté de la Manche. L’ancienne administration postale britannique, Royal Mail, est aujourd’hui privatisée. Elle envisage de proposer un service dominical, tout comme ses concurrents Hermes, Amazon, UK Mail ou encore DPD.
Et, au fait, DPD est une filiale de La Poste. Une de ses plus rentables !