Besoin de simplicité ? Dans les entreprises aussi !
Le Pape François surprend par sa simplicité. Cette qualité est populaire. Les politiques ne s’y sont pas trompés et tentent de jouer sur ce registre. Mais l’attitude du Pape n’est pas feinte, et s’accompagne d’autres vertus. Le monde de l’entreprise semble rester en dehors de ce mouvement. Peut-être pourrait-il, lui aussi, emprunter la voie de la simplicité, de l’humilité et de la vérité ?
Le nouveau Pape séduit les fidèles catholiques, et sans doute bien au-delà. Les médias ont insisté sur sa simplicité. Ainsi, quand il est apparu au balcon, François était en simple soutane blanche et portait sa croix d’archevêque. Dans son discours, il parla de lui comme "évêque de Rome", c’est-à-dire qu’il se définissait non pas au-dessus des autres pasteurs de l’Église, mais primus inter pares.
Puis, il a pris le bus avec les autres cardinaux, et non la voiture qui l’attendait. Le lendemain, il a payé sa note à la pension où il logeait avant le Conclave. Il a refusé le texte préparé par la Secrétairerie d’État pour sa première homélie. Il n’a pas pris possession de l’appartement pontifical, mais réside dans une modeste chambre. On pourrait sans doute multiplier les exemples.
Assurément, cette simplicité frappe et touche beaucoup de monde, car elle répond à un besoin. Est-ce dû à l’inquiétude devant la complexité croissante du monde ? Est-ce une conséquence des revendications d’égalité qui s’insinuent dans tous les aspects de la vie ? Est-ce l’effet des crises et des difficultés financières dans lesquelles beaucoup se trouvent ?
86 % des Français souhaitent que l’on diminue le train de vie des élus. Certains politiques ont bien perçu ce besoin de simplicité. En 2012, un des candidats à la Présidence de la République affirmait qu’il serait un "Président normal" pour se distinguer de son adversaire qualifié de "bling-bling". Sitôt élu, il voulut continuer à résider chez lui, et non à l’Élysée. Il fit savoir qu’il prenait le train plutôt que l’avion.
Même la Chine n’échappe pas au mouvement. Xi Jinping, le nouveau président de la République populaire, a visité de petits villages et partagé le repas avec des soldats. Il a raccourci les discours, et exigé des ministères moins pléthoriques.
Mais il est à craindre que la simplicité des politiques – français comme chinois – ne fasse finalement partie des nouveaux éléments de langage, savamment pensés puis mis en musique par les spin doctors.
C’est la première différence avec le Pape François. En effet, la simplicité du Souverain Pontife ne date pas d’hier et n’est pas mise en scène. Archevêque de Buenos Aires, il habitait un petit appartement, et non le palais épiscopal. Il prenait le métro ; répondait lui-même au téléphone.
La deuxième différence réside dans l’humilité. Le jour de son élection, place Saint-Pierre, il a demandé à la foule de prier pour lui, c’est-à-dire de l’aider à accomplir sa mission. Un prêtre argentin dit qu’il "écoute deux fois plus qu’il ne parle". Lors de sa messe d’intronisation, François a posé une question : "Le ministère du nouvel évêque de Rome (…) comporte un pouvoir (…), mais de quel pouvoir s’agit-il ? (…) N’oublions jamais que le vrai pouvoir est le service".
La troisième différence tient dans la vérité et la sincérité de son discours. Le Pape affirme : "Dieu ne désire pas une maison construite par l’homme, mais il désire la fidélité à sa Parole, à son dessein". Autant dire que la finalité de sa mission est claire, qu’il sait où il doit aller, qu’il sera intransigeant sur ce point et qu’il ne prendra pas quatre chemins pour délivrer son message.
Mais, me direz-vous, quel rapport avec l’entreprise ? On peut établir plusieurs rapprochements. Par exemple, certains dirigeants s’octroient des augmentations faramineuses alors que les rémunérations stagnent pour les salariés de l’entreprise. Des responsables s’attribuent un bureau spacieux qu’ils n’occupent presque jamais tandis que leurs équipes tentent de travailler dans le brouhaha d’un open space.
Ou cet autre exemple d’un président qui prend place en classe affaires alors que les membres de son Comex s’installent en classe économique. Ou encore ces managers qui omettent de dire bonjour le matin à leurs collaborateurs. Ou ce délégué syndical qui, disposant par ailleurs d’une voiture d’entreprise, préfère prendre (et se faire rembourser) le taxi pendant que ses mandants font des dizaines de milliers de kilomètres par an avec leur véhicule personnel. Chacun a certainement d’autres exemples à l’esprit.
Les dirigeants, managers, représentants du personnel ont tout à gagner à faire preuve de davantage de simplicité. Les temps sont difficiles pour beaucoup d’entreprises, mais les salariés n’ont pas souvent l’impression que les efforts soient partagés. Et il ne s’agit pas d’opérer un petit coup de cosmétique comme font souvent les politiques.
Car simplicité ne va pas sans humilité. Pas plus que les hommes d’Église, ceux qui dirigent les entreprises ne sont des surhommes. Ils ne détiennent pas la vérité à coup sûr et ne sont, eux aussi, que des primus inter pares. Ils ont intérêt à écouter davantage leurs collaborateurs plutôt que de leur asséner des certitudes, tout comme les élus du personnel l’ont à être attentifs au ressenti et au vécu de leurs collègues plutôt qu’aux mots d’ordre de leur centrale.
Leur parole n’en aura alors que plus de poids… à condition qu’elle soit vraie. "La France peut supporter la vérité", disait François Fillon dans un de ses livres. Les salariés aussi. Il faut en finir avec les discours stéréotypés et creux qui ne sont pas davantage lus qu’entendus.
Ce tryptique – simplicité, humilité, vérité – a vocation à s’appliquer aux comportements, aux attitudes aux discours, mais aussi à l’organisation, aux process… Nous pourrons ainsi retrouver un peu de la confiance et de l’engagement qui font défaut aujourd’hui aux entreprises françaises.